A

près l'enfance tout va si vite. La mémoire s'use. Ici un parent oublié, là un aïeul dont on ignore encore le nom. Comme dans la rue ces gens que l'on croit reconnaître, dont les traits semblent familiers. Si on observe attentivement son propre visage dans une glace, bientôt on y voit quelqu'un d'autre. Et chacun garde en évidence un peu d'autrui dans ce regard.

  Généalogie du souvenir, c'est sur elle-même que Catherine Brachet se livre à cette archéologie singulière. Elle scrute, elle fouille et chaque fois le même visage nous apparaît différemment. Cette succession à l'infini, sur tous les tons, d'images presque identiques de soi, des proches ou des lieux où ils ont vécu constitue un voyage étrange. Tout se confond. Comme à la fin de la nuit quand le sommeil s'effrite, les bruits du jour se mêlent aux rêves. Tout est possible. C'est l'heure où se côtoient les mondes, le réel et l'imaginaire, l'avant et l'après, notre monde et celui des autres. Où sont les autres ? Dans les livres ? Dans les regards ? Dans ces maisons qu'ils habitèrent ou les objets qu'ils ont tenus ? Où sommes-nous ? Dans l'ombre furtive d'un passant, dans ces adolescents, malhabiles et touchants, auxquels nous avons ressemblé ? Ce que montre Catherine Brachet, c'est autant le passé dans le vivant que l'inverse. Il, elle. Ici, ailleurs. Qu'il s'agisse d'hier, d'aujourd'hui ou de n'importe quand, c'est toujours de nous dont il est question. De nous uniques et multiples. Deux yeux, deux oreilles, quelques jambes et tant de chimères. Au total il n'y a qu'un monde. Nous sommes tous les autres à la fois.


Bernard Ruhaud,mai 2008


 

Chronologie vue par Emmanuel Dissais


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